Squatteur Vs. Nanny : Faites vos paris [Birmingham - près des commerces].

Par un coup du sort qui la laissait encore un peu étonnée de ses propres performances, Casey ne s'était pas perdue. Elle ne savait, certes, pas exactement quelles routes emprunter pour se rendre à Derby, mais se doutait au moins qu'il lui fallait continuer sa route vers le Nord, et peut-être un peu l'Est, aussi. De mémoire, elle se souvenait que Birmingham était sur sa trajectoire, et même si elle n'avait aucune carte pour l'aider dans sa quête une fois que la grande ville serait traversée, l'adolescente supposait qu'atteindre Birmingham restait une bonne idée. Après, il lui suffirait d'improviser... Si tout du moins elle arrivait jusque là.
Casey avait tourné un certain temps dans Droitwich – la ville où elle avait échoué avant de perdre la voiture et son paternel – pour finir par s'aventurer sur des petits chemins, de peur de rencontrer quelqu'un sur de plus gros axes. Mais quand elle en eu assez de la boue jusqu'aux chevilles et des grandes enjambées par dessus les hautes herbes, la jeune fille se résigna à emprunter la Nationale une fois qu'elle se présenta à elle. D'après les panneaux de signalisation, il lui restait trente bons kilomètres avant d'atteindre Birmingham. Toute cette histoire lui passait déjà par dessus la tête et elle retenait ses larmes avec peine. Mais Casey n'était pas du genre à se plaindre, ni même à s'apitoyer sur son sort. Aussi, petit à petit, marchand tant qu'elle le pouvait, l'adolescente réduisait lentement la distance qui la séparait de son point de chute.

Huit heures plus tard, les dix litres d'eau de javel suspendus à son bras lui semblaient penser une tonne, ses pieds étaient plats, elle marchait sans s'en rendre compte, et arrivait enfin à Birmingham. Apercevant le canal à l'entrée de la ville, Casey le suivit par reflex. Elle savait que dans certains cas, suivre un cours d'eau pouvait permettre de s'en sortir une fois perdus en forêt. En forêt. Voilà une donnée qu'elle avait oublié de prendre en compte, mais elle n'avait plus assez de neurones libres pour s'en soucier. Toute sa tête était affairée à faire fonctionner ses jambes, à la faire aller droit sur la rive le long du chenal.
Très vite, voir toute cette eau à portée de main lui rappela qu'elle avait soif. Soif, mais aussi faim, et ce manque de provision lui remémora encore une fois pourquoi elle était là, seule, plutôt qu'en famille, à arpenter des chemins qu'elle ne connaissait même pas. Jamais Casey n'avait vraiment songé au Fléau, car à dire vrai, Casey ne songeait jamais à grand chose, d'ordinaire. Elle se laissait vivre, et cela faisait bien l'affaire. Maintenant qu'elle devait penser à avoir un coup d'avance pour contrer la malchance et les risques d'infection, l'adolescente se sentait perdue, et c'est après un autre quart d'heure de marche qu'elle songea à se diriger vers le centre ville, pour trouver une échoppe, et surement de quoi remonter son moral.

Stoppée au coin d'une allée, Casey hésitait à s'avancer dans la grand-rue. Elle avait entraperçu un groupe d'individus – sensiblement éloignés désormais – mais ne voulait pas risquer de tomber sur des infectés ; malheureusement les seuls commerces qui l'intéressaient se trouvaient dans les coins les plus fréquentés de la bourgade. Si elle désirait s'en sortir, il allait bien falloir qu'elle franchisse le pas et s'aventure en terres ennemies.
Rassemblant les miettes de courage qu'elle possédait, la jeune fille enfonça son bonnet jusqu'aux oreilles et se fit le plus petite possible, tête rentrée dans les épaules et allure fantomatique. Elle longea quelques boutiques de vêtements d'une rue commerçante, avant de déboucher, complètement par hasard, sur un super-marché coincé entre un parking pas si désert que ça et une large route. Casey y voyait là sa chance, mais peut-être aussi sa perte. Un endroit aussi exposé lui vaudrait certainement quelques ennuis... Mais peut-être que si elle allait assez vite, elle pourrait s'en retourner avec ce qu'il lui fallait, et aucun accrochage avec de supposés infectés.
Elle tremblait, mais la faim devait y être pour beaucoup. Même si l'idée du vol ne lui plaisait guère, son père et elle avait déjà dû s'y résoudre à Tavistock, puisque plus personne ne travaillait en ville, et qu'il faillait bien que les deux Chatterton se nourrissent. Nouant un chiffon autour de son nez, Casey empoigna un peu plus fermement son bidon de javel, et traversa la rue pour se rendre dans la caverne d'Ali Baba. Bientôt, son estomac parlerait plus que sa raison, et c'est avec toutes les peines du monde que la fillette se retenait de courir entre les rayons pour se servir. Quelques regards à gauche, à droite. Il lui semblait qu'il n'y avait personne. Soit. Il ne fallait pas trainer, et en profiter.

Casey avait atterri dans le rayons des biscuits, au milieu d'un certain nombre de paquets éventrés, là bien avant elle. L'adolescente avait la javel, elle avait les torchons ; mais elle avait aussi bien trop envie de se mettre quelque chose sous la dent pour perdre du temps à désinfecter tous les sachets qu'elle allait toucher. La fillette supposait – peut-être à tort – que si quelqu'un avait posé la main avant elle sur les denrées qu'elle convoitait, ce dont elle doutait, le virus avait eu le temps de mourir depuis.

* Des mets non-périssables... * pensait-elle en réfléchissant à la suite de ses courses.

Mais elle n'eut pas le temps d'aller bien loin, car à peine avait-elle relever le nez que Casey se retrouvait face à un type à la posture étrange, qui l'apostrophait d'un air méfiant. << T'es qui toi ? >> Qui elle était ? Drôle de question. Casey n'aurait pas pris le temps de savoir qui était son acolyte et aurait déjà pris la fuite si elle n'avait pas remarqué ce qui semblait être la crosse d'un revolver dépasser son blouson (pantalon ?).

« ... ! Faites pas fa ! »

Avec la voix étouffée par le torchon qu'elle avait sur le bas du visage, l'adolescente tendit les bras en avant comme pour se protéger, et recula de quelques pas. Là, elle se pris les pieds dans le bidon d'eau de javel, posé à ses côtés, et se rattrapa maladroitement aux rayonnages en manquant tout juste de s'écraser les fesses par terre. Elle fixait le nouveau venu comme si, tout à coup, le Fléau n'avait était qu'une franche rigolade.
On pensait à l'infection, on pensait à la perte de ses proches. On pensait aussi, surement, à la fin de l'humanité, mais... On ne pensait pas à se prendre une balle entre les deux yeux au milieu d'une crise pareille, non, même si la chose paraissait évidente une fois qu'on l'avait sous le nez.
Casey n'avait jamais pensé à la mort. Du moins, elle n'en avait jamais eu peur, tout le monde devait bien passer par là un jour, et elle était fière de ce raisonnement mature pour une si jeune adolescente. Néanmoins, Casey avait peur de la souffrance, et maintenant qu'elle semblait si près de la fin de sa vie, sa si courte vie, des pensées contradictoires à ses beaux principes venaient la chambouler. Mais elle n'était pas assez émotive pour se laisser aller. Doucement, la jeune fille se redressa, ne sachant manifestement que faire. Ce n'était pas comme si Casey se servait beaucoup de son cerveau en temps normal, mais en cet instant, c'était un tantinet pire. Elle ne pensa pas à retirer le bout de tissu qui lui encombrait le visage, ni même vraiment à chercher ce que cette autre personne pouvait bien lui vouloir. Son argent, ses rations ? Non, il était dans un supermarché. Sa vie, tout simplement ? Peut-être, après tout. Son père lui avait déjà raconté qu'il y avait des tarés qui s'amusaient à faire la chasse aux infectés...
Les infectés. Est-ce que lui l'était ?

« Je foudrais jufte m'en aller... » souffla-t-elle alors, plus bas que jamais, même pas consciente d'avoir parlé.

Mais elle avait, comme qui dirait, trop peur pour bouger.

[Désolé désolé désolééééé. Je suis un gros bouleeeet.
En plus j'avais dis que je ferais court T_T. (et plus compréhensible...)]


« Allez c'est bon petite, j'prends garde c'est tout, enlève juste ton bonnet ou quoi, 'fin donne-moi le signe que t'es pas une infectée et y a aucun problème ! J'suis comme toi, je veux juste survivre ... »

Comme elle. Comme elle, pas infecté. Juste survivre. Pas de problème ! Oh misère... Qu'est-ce que Casey devait faire, là tout de suite, exactement ?
Elle avait entendu le jeune homme mais n'avait peut-être pas tout à fait saisi ce qu'il racontait. Trop chaud sous son bonnet ; trop obnubilée par le revolver dans la poche arrière de son compagnon. L'adolescente tâta son couvre-chef sans se rappeler réellement ce qu'elle devait en faire. Elle commençait à avoir du mal à respirer et son cœur battait trop fort. Non contente de se faire pincer dans une supérette à piquer allègrement de quoi se nourrir, elle repensait à son frère dont on entendait plus parler, à son père qui avait soudainement disparu, à cet endroit qu'elle ne connaissait pas, ses camarades de classe partis en camps ou en villégiature pour trouver de plus verts pâturages. Le bourdonnement dans ses oreilles se faisait de plus en plus désagréable. Déjà qu'avec son bonnet péruvien sur les oreilles elle n'entendait pas grand chose du monde qui l'entourait, retranchée dans une légère bulle, voilà maintenant que les larmes lui montaient presque aux yeux. Presque.
Malgrè le printemps, Casey portait un bonnet. Il était vrai que l'on était loin des températures caniculaire et que le chapeau pouvait défendre des petits courants d'air, mais le déguisement avait surtout pour but d'éviter que le virus ou les germes ne s'introduisent dans son organisme par un vicieux coup du sort. Par les oreilles ? Pas possible ? Attention, nous parlions là du Fléau, un mal qui allait surement décimer toute la planète... Rien n'était à prendre à la légère. Le torchon avait d'ailleurs pour mission de protéger le nez et la bouche de la gamine. Et si elle avait eu des lunettes de protection sur elle, surement Casey n'aurait pas hésiter à se couvrir les yeux avec.
Ses yeux... Un peu agar, d'ailleurs, Casey les releva sur le garçon qui lui faisait front, comme s'il avait pu ne jamais exister. Une boîte de conserve choisit alors ce moment pour se mette à rouler sur le sol, et une dame en tailleur sortit soudainement de nul part, les mains en l'air.

« Je ne suis ni armée ni infectée. »

Casey la dévisagea un certain temps, assez incrédule. Droite sur ses talons, un air stricte sur le visage, il se dégageait de la nouvelle venue une sérénité déroutante qui rasséréna Casey durant les quelques secondes où la femme ne s'était pas encore adressée à elle. La fillette ne pensait plus, étourdie par le côté décalé de la situation. Pour un peu, elle se serait assise à son pupitre pour sortir ses cahier de cours et écouter son professeur bien docilement. À bien y réfléchir, cette drôle de rencontre donnait l'effet d'avoir une maîtresse d'école d'un côté et un cowboy solitaire de l'autre.
Cela faisait des semaines que Casey n'avait plus vu personne, et voilà qu'elle se retrouvait maintenant confrontée à deux sacrés énergumènes en même temps. Quelle vie ! Et son père qui lui rappelait à tout moment de ne jamais faire confiance à personne. Que, si elle croisait quelqu'un, elle devait s'éloigner de l'individus le plus vite possible. D'accord. Oui, d'accord, l'adolescente voulait bien le comprendre. Mais quoi faire lorsqu'il y en avait DEUX. Et qui ne se connaissaient pas, à première vue. Cela changeait-il la donne ? Est-ce que Casey pouvait se considérer comme chanceuse et prétendre à un court avenir en sécurité au milieu d'inconnus dont elle n'avait pas vraiment conscience des motivations ?

« Vous n'êtes vraiment pas infecté vous ? Parce qu'avec vos couches vous êtes plutôt suspect... »

Motivation... À tout bien y réfléchir, chaque survivant de ce Fléau devait bien avoir la même. La survie avant tout. Et voilà que la matrone pensait que Casey était infectée... Ça sentait mauvais.
En panique, comme tout à coup réveillée, la blondinette arracha maladroitement le bonnet de sa tête, s'ébouriffant les cheveux, et manqua de s'étrangler en se débattant avec le torchon, autour de son cou désormais. Elle s'éloigna des rayonnages contre lesquels elle était posée, comme si les petits virus auraient pu lui sauter dessus maintenant qu'elle était démasquée. Casey n'oubliait néanmoins pas son jerrican, qu'elle poussait du pied à sa suite, histoire de le garder à portée de main à tout moment. Elle ne savait définitivement que faire entre prendre la fuite ou conter fleurette à ses nouveaux amis.

* Oh papa... Si tu pouvais être là... *

Finalement, l'adolescente opta pour ne pas traîner ici. La Dame paraissait certes avoir une once de bon sens et de bonnes intentions (elle avait tout de même demander aux guérillero de lâcher son pistolet, hé), elle ne la connaissait pas assez pour se jeter dans ses bras en criant Ma sauveuse. Casey attrapa alors son bidon trop lourdet partit comme une balle vers le fond du magasin, là où il lui semblait plus facile de mettre de la distance entre elle les deux inconnus. Elle eu à peine le temps de tourner au coin de l'allée qu'elle dérapait sur deux bouteilles de sauce tomate éventrées, et s'éclatait par terre, pour de bon cette fois.
De peur de se faire attaquer après une attitude aussi suspecte, Casey se releva en pataugeant dans la purée rouge, se cramponna aux étagères supportant les produits du rayon des biscuits où le Cowboy et la Maîtresse se trouvaient toujours, puis la fit basculer sur eux en espérant gagner un peu de temps et recommencer à fuir.
Le bruit du rayonnage heurtant le sol avait quelque chose de vraiment douloureux.

Dans un bruit infernal les étagères se renversèrent alors les unes après les autres, comme l'auraient fait des dominos d'une taille démesurée. Tous les objets qu'elles contenaient encore s'écrasèrent sur le sol, renversant leur contenu sur le carrelage du magasin. Margaret parvint à esquiver dans une subtile cabriole très bien réalisée pour son âge, quand à Radhamente, il fut moins chanceux. Un pot de viagra 15L lui tomba sur la cheville et la lui brisa dans un craquement sinistre.

[Ohoh. Viles vacances.]

Lancée dans une course toute en glissades contre les rayonnages effondrés, Casey se rapprochait de la sortie sans traîner plus que nécessaire. Elle était à deux doigts de franchir les portes automatiques – qui ne fonctionnaient plus, d'ailleurs. Éternellement ouvertes – quand elle lança un dernier regard vers les deux sinistrés qu'elle abandonnait presque sans remords. L'un se tenait la cheville et la seconde avait disparu de son champ de vision. Soit ; mieux valait accélérer encore un peu l'allure et sortir de ce traquenard avant que la Nanny ne bondisse d'un coin obscur. Mais, au milieu des débris divers et des marchandises éclatées, Casey aperçu le reflet agressif de la lumière jouant sur un objet qui d'ordinaire n'avait rien à faire là. Une arme à feu. Le revolver du désormais estropié.

« Merde ! »

Freinant comme elle put malgré sa vitesse et la sauce tomate qui tartinait ses semelles, l'adolescente fit marche arrière. Avec des yeux ronds de convoitise, elle se précipita sur l'arme en espérant qu'elle serait la plus rapide pour l'attraper. Sortir, partir, fuir... D'accord ! Mais avec un pistolet, tout de même, voilà qui devait être bien mieux ! Après de gros efforts pour ne pas percuter de plein fouet le garçon accroupi par terre, Casey chipa l'arme au vol et la pointa sur le blessé tout en reculant. Savait-on jamais... Peut-être qu'il était toujours assez en forme pour se relever et tout lui faire regretter.
Un pas, deux pas, trois p... Erps ! Un énième dérapage et un coup partit tout seul, filant à un bon mètre au dessus de la tête du jeune homme et finissant sa course en explosant une lampe à halogène au fond du magasin. Casey en lâcha un cris de stupeur. Elle ne pensait décidément pas que la gâchette serait aussi sensible. C'était, après tout, la première fois qu'elle tenait quelque chose de ce goût là dans ses paluches innexpérimentées.
Réalisant ce qu'elle avait failli faire, la fillette prit peur. Elle reculait toujours à petits pas sans s'en apercevoir, louchant sur l'arme à feu qui cliquetait entre ses mains tremblantes. Elle ne voulait pas tuer quelqu'un ; elle ne se sentait pas capable d'assumer ce genre de geste, c'était hors de question. Néanmoins, il fallait absolument que Casey bluff, qu'elle fasse croire le contraire. Qu'on la craigne, même si l'air terrorisé qu'elle affichait ne devait pas y aider.
Elle était définitivement loin de penser à tous les autres ennuis que ce vacarme allait finir par attirer.

« MAIS BORDEL T'ES COMPLETEMENT CONNE C'EST PAS POSSIBLE ?! »

C'était vrai, il fallait l'avouer, Casey ne se sentait pas bien intelligente. Avec une voix qui donnait la vague impression de faire des montagnes russes, l'adolescente mumura un « Ca va...» mal assumé. S'exprimer en publique n'avait jamais été le fort de la gamine, mais dans de telles conditions, rien, mais alors RIEN du tout n'était arrangé. Et le blessé qui continuait de pester comme un putois de son côté - T'AURAIS PU M'TUER ALORS QUE J'PEUX DÉJÀ PLUS BOUGER ! QUAND ON SAIT PAS SE SERVIR D'UN FLINGUE ON EN PREND PAS ESPÈCE DE GOURDE !... Touchée, c'est en grimpant dans les aigus sans s'en rendre compte que Casey explosa alors :

« Ca va. Chui désolée ! C'est bon, chui désolée ! »

Elle ressera son étreinte sur l'arme, tâchant de ne plus trembler... Elle espérait le faire taire, d'une certaine façon, peu crédible avec cette fausse assurance qu'elle essayait de se donner. Casey n'avait plus qu'une envie, pleurer. Pleurer, là, tout de suite. Maintenant. Evacuer tout le stresse de cette journée pourrie qu'elle avait gardé au fond d'elle jusque-là.
La fillette s'en voulait et sa honte se transformait en agressivité. Enfant sage, elle n'avait jamais déçue personne... Voilà qu'elle avait failli voler une vie et se rendait compte que si le jeune homme ne pouvait plus se déplacer, c'était surement à cause des étagères qu'elle avait fait basculer, d'une façon ou d'une autre.
Casey était une chouette gamine. Elle n'avait jamais fait de mal à quiconque et personne n'avait jamais songé à lui en faire (certainement parce que ses petits camarades de lycée connaissaient Mr Chatterton et son instinct paternel ; mais cela était une autre histoire). Ce type qui se retenait avec peine de ne pas hurler à la mort avait certes sorti une arme devant elle, d'accord... Mais rien de plus. Pas de menace, pas de tire en l'air. Casey n'était vraiment qu'une grande gaudiche, et s'auto-flagelant seule, elle en oubliait que toute cette histoire était partie d'un besoin de se défendre face à des inconnus dont elle ignorait encore les intentions. Une réaction quelque part légitime.

« Essaie de ne pas faire attention a lui » intervint alors la Nanny, apparaissant tout à coup, sans prévenir, tant Casey ne faisait plus attention à grand chose autour d'elle.

C'était bien la seule personne de posée dans ce supermarché. L'adolescente s'en serait presque trouvée plus nerveuse encore face à cette attitude qui faisait tache. Pourtant, elle réussit à contenir ses larmes, preuve que, peut-être, son calme déteignait (au moins) sur elle.

« Je sais que tu as peur. Mais ceci ne t'aidera pas. Si tu ne me crois pas tu as juste a tirer. Je ne me défendrais pas. Je n'ai rien pour ça »

Entoureloupe ? Non, tout de même ; ça ne pouvait pas aller jusque là. Il fallait du moins esperer. De toute façon Casey n'avait aucune intention de tirer une deuxième fois ; la première n'ayant pas du tout été prévue au programme. Elle baissa l'arme, un peu, les muscles des bras contractés et lui faisant mal. La peur pouvait vraiment vous faire faire des choses stupides.

« Pardon » répéta-t-elle encore, tout bas

C'était pitoyable. Casey baissa la tête vers le dallage sale de la superette en esperant cacher son visage sous sa masse de cheveux éparse et son torchon autour du cou. Elle sougeait à rendre le pistollet au garçon, mais doutait un peu de ne pas se faire trouer la peau en signe de vengeance. Elle laissa alors simplement son bras retomber contre sa hanche, arme toujours au poing. Que faire ? Partir ? Discuter comme cette grande négociatrice de Nanny le proposait ? Soit, mais parler de quoi... De son père peut-être mort ? De son frère qui les avait abandonné ? Surement infecté lui aussi maintenant qu'elle y songeait.
Alors Casey se sentit desespérement seule et lâcha le revolver ; peu importait s'il lui explosait aux pieds. Commençant à se dire que tous ses proches avaient péri, il ne lui restait plus grand chose pour tenir le coup sinon l'infime espoir de se tromper. Il fallait qu'elle parte, qu'elle reprenne sa marche. Les retrouver.

Sans se presser et remarquant que son jerrican de javel était resté au fond du magasin avec son bonnet lorsqu'elle s'était écroulée dans la tomate, l'adolescente partit les récupérer. Et puis elle s'en irait. C'était décidé. Cette résolution lui faisait une grosse boule dans la gorge et lui tordait l'estomac de peur... Mais il fallait bien grandir un jour.