Minus et Cortex [Trente-quatre km au sud-ouest d'Edimbourg, au bord d'une route carrément déserte]

Lesley en avait plus que marre. Ca faisait des plombes, et même des putains de jours qu’il marchait le long de cette route et pas une seule fois un connard s’était arrêté pour le prendre en stop. Pourtant, il s’était démené pour attirer l’attention des trois pauvres voitures qui étaient passées depuis le matin ; ils pouvaient pas prétendre qu’ils ne l’avaient pas vu. Merde, il avait l’air dangereux à ce point-là ?
Epuisé et surtout complètement gavé, Lesley avait donc décidé d’abandonner pour la journée. Il s’était assis sur le bord de la route et avait sortit la bouteille de Grouse de son sac pour finir le peu de whisky qu’il lui restait encore. Bordel ! Tout ça s’annonçait définitivement plus laborieux que prévu. Lui qui pensait qu’il n’aurait eu qu’à atteindre la ville la plus proche pour retrouver ses connards de potes. Ils auraient pu au moins avoir la décence de l’attendre. De savoir qu’il se serait finalement décidé à les rejoindre. Et non, quedal ; tu parles de potes, toi. Lesley avait alors réalisé qu’il n’irait pas loin sans voiture. A pied il avait fait, quoi, même pas cinquante kilomètres depuis qu’il était parti de Leith. Fallait être réaliste, il rattraperait jamais personne comme ça, il n’était pas vraiment au top de sa forme et plus il avançait, plus il sentait son foie se mettre à protester. C’était plutôt destabilisant. Il n’avait jamais eu à subir quoi que ce soit par rapport à son alcoolisme notoire, aussi cette nouvelle lui avait-elle foutu un singulier coup dans le moral.

Blasé, sieur Boorman se résignait à passer une nouvelle nuit dans le fossé quand il entendit au loin un grondement caractéristique qui lui fit dresser les oreilles. Gardant sa bouteille à présent vide à la main, il se releva et se dirigea en chancelant jusqu’au milieu de la route. Cette fois, c’était la bonne, ce type s’en sortirait pas sans l’emmener avec lui. Plissant les yeux sous ses lunettes de soleil à présent inutiles à cause du crépuscule bien avancé, Lesley attendit que la voiture se rapproche pour écarter les bras et se mettre à faire de grands signes aussi ridicules que limpides.

« OH, DUCON, FRENE ! » gueula-t-il pour clarifier encore un peu plus la situation, des fois que le mec d’en face soit particulièrement attardé.

A la grande joie de Boorman la voiture s’arrêta effectivement dans un joli freinage. Lesley baissa les bras et tenta d’apercevoir le mec qui conduisait. Apparemment il était tout seul dans sa caisse, à moins que quelqu’un d’autre ne soit allongé sur la banquette arrière. Tant mieux, Lesley détestait les gosses, à moins que ce ne soient les gosses qui le détestent.

Evidemment, il allait d’abord vérifier que le type n’était pas infecté, parce que ce serait quand même con d’attraper cette merde alors qu’il avait toujours échappé aux MST les plus dégueulasses. Oui, il lui demanderait de descendre, et là il verrait bien s’il est infecté de plaques bizarres, et s’il a l’air malade. Si c’est le cas, il se démmerderait pour désinfecter la voiture ; si c’est l’inverse, il se barrera avec, et tant pis pour l’autre gars.

Satisfait de son plan, Lesley écarquilla cependant les yeux en voyant le mec sauter de lui-même hors de sa bagnole. Quoi ? Mais c’était pas dans le programme, putain.

« Bouge pas, connard ! » brailla-t-il d’une voix défaite en levant stupidement sa bouteille vide comme s’il s’agissait d’une arme très menaçante.

Un blond. Plutôt jeune, son âge sans doute, peut-être un peu plus vieux. L’air complètement HS, mais ça, c’était peut-être à cause de l’insulte. Peu importe, même s’il avait pas l’air malade, on pouvait jamais savoir quoi.

Rahel ignorait depuis combien de temps il roulait désormais. Si on lui posait la question, il répondrait certainement : « Longtemps ». Ce n'était pas tout à fait faux, en fait : il avait vu le soleil se coucher et se lever par deux fois, et le crépuscule commençait déjà à reprendre ses droits sur le firmament lorsqu'il se décida enfin à laisser la panique reprendre le dessus et s'autoriser à pleurer. Hoquetant, l'homme remua sur le siège de son monospace avec désespoir, cherchant certainement la position la moins humiliante. Peine perdue. Rahel était épuisé, aussi bien physiquement que mentalement. Il s'était bien arrêté à plusieurs reprises pour boire, manger un morceau, barboter dans un lac perdu au milieu d'une forêt, et bien sûr se reposer, allongé à l'arrière de sa voiture en grelotant au froid de cette sale période. Irrémédiablement, ses pensées retournaient à Esther : elle lui manquait terriblement, bien plus que n'importe qui. Bien plus même que sa mère lorsque, plus jeune, elle le forçait à partir en camp d'été judaïste. Souvent, il s'affligeait de reproches tandis qu'il roulait prudemment sur de longues routes complétement désertes : il n'était qu'un mari indigne, un lâche, un pusillanisme débile qui ne méritait qu'une sentence irrévocable. Lorsqu'il se demandait sur Esther allait bien, il lui arrivait même de lâcher une injure à son propre égard. Bien entendu qu'elle allait mal. Infectée et esseulée, il ne pouvait en être autrement. Désespéré, il lui arrivait de parler dans le vide comme s'il s'adressait à elle. Son aimée. Sa mie. Sa destinée. Comment avait-il pu seulement avoir la bêtise de lui tourner le dos.

Lorsque sa voiture dépassa un panneau, Rahel revint vivement sur terre. Un panneau. Dieu soit loué, c'était exactement ce dont il avait besoin : en plus de ne pas savoir quel jour il était, il ignorait totalement de la direction vers laquelle il se dirigeait. Comble du malchance, certaines routes étaient devenues impraticables lorsqu'il avait la chance d'apercevoir une indication directionnelle. À quoi se vouait, dans une telle situation ? Ralentissant son allure tandis qu'il se tournait à demi, Rahel tenta d'apercevoir un quelconque indice au verso du panneau. Vainement, évidemment ; ce côté était totalement blanc. Soupirant de lassitude, l'homme reprit sa place initiale sur son siège en prenant la décision de faire demi-tour dés que possible. Mais ça, c'était avant qu'il n'aperçoive cet intrus qui, au beau milieu de la route, lui adressait de grands gestes désespérés en semblant hurler. Surpris au plus haut point, Rahel se hâta d'appuyer sur sa pédale de frein, si brusquement qu'il s'avança sur son siège et que sa ceinture – qu'il s'obstinait à attacher – lui rentra dans le cou, laissant une marque rougeâtre qu'il ne ressentit même pas. Une seconde. Puis Rahel se détacha et sauta en dehors de son véhicule, à la fois pour prendre un bol d'air frais pour calmer ses nerfs et pour s'adresser à cet homme qui, dés lors, se mit à l'insulter. Reniflant ce qu'il restait de ses sanglots, Rahel ne se démonta pas pour autant.

- Que faites-vous ici ? Vous allez bien ? Vous avez besoin d'aide ? demanda-t-il d'une voix légèrement chevrotante, partagé entre sa douleur précédente et sa panique actuelle. Malgré ses cernes et ses traits tirés, Rahel conservait sa crédulité éternelle, et faisait passer la santé de cet inconnu avant le sien. Il avait dés lors oublié tous les conseils que les journaux et autres politiques avaient pu distribuer ; quant à son instinct de survie, il ne faisait pas le poids face à sa gentillesse innée et peut-être un peu trop exacerbée. Si vous voulez, j'ai de l'eau ! Je peux partager ! assura-t-il en se penchant dans sa voiture, éteignant le moteur et retirant les clés pour se hâter vers son coffre. On pouvait difficilement faire plus serviable.

« … Quoi ? » demanda stupidement Lesley alors que le blond allait ouvrir son coffre pour lui donner de l'eau – de l'eau, putain. Mais c'était quoi, ce type ? Il devait être défoncé ou quelque chose comme ça, c'était pas possible d'être aussi peu méfiant. Il était peut-être sourd, aussi.

Interloqué, Lesley retira ses lunettes de soleil qu'il rangea dans sa poche avant de se pencher légèrement sur le côté pour voir ce que l'autre trafiquait. Parce que bon, il lui avait promis de l'eau, il pouvait tout aussi bien se pointer avec un fusil et lui décocher une balle dans le ventre. Quitte à être vicelard, il paraît que l'être humain fait jamais aussi fort qu'en temps de guerre.

Mais non, le mec se redressa, une bouteille d'eau à la main et un gobelet en plastique dans l'autre. Okay. Donc, en futant le virus et tout ça, en abandonnant sa maison, son boulot, et sûrement aussi sa famille, ce mec avait pensé à prendre des putains de gobelets en plastique. Lesley haussa un sourcil et tordit la bouche dans un what the fuck tout à fait clair, et quand le blond s'approcha en lui tendant le gobelet rempli d'eau fraîche, il repoussa vivement sa main. Déjà parce qu'accepter quelque chose d'un inconnu, c'était pas forcément cool, et deuxièmement parce qu'il pouvait réclamer mieux.

« Putain, je bois pas d'eau, moi. T'aurais pas, genre, un truc avec de l'alcool ? J'ai fini mon whiskey. Oooh, et j'ai la dalle, putain, mec. » marmonna donc Lesley en se frottant le nez d'un revers de main, et il se détourna ensuite le temps de balancer sa bouteille vide dans le champ qui bordait la route. Trop habitué à ce qu'on s'occupe de lui, Boorman rejeta son impulsion première qui était de chourrer la voiture du type et de se barrer sans demander son rester. ; il pourrait pas faire ça avant d'avoir mangé quelque chose, sans déconner. Les efforts, ça avait jamais été son truc, et si on proposait il prenait, c'était comme ça. Marre de tous les cons qui faisaient des manières, genre non, non merci sans façon, ça se fait pas. C'est la guerre, putain.

Lorsque Rahel proposa son verre d’eau à l’homme, il s’efforça de sourire. Ce n’était pas parce qu’il se morfondait quelques minutes plus tôt qu’il fallait se montrer désagréable, n’est-ce pas ? D’autant que ce pauvre inconnu n’y était pour rien dans son malheur. Dans le pire des cas, celui-ci souffrait autant que lui, peut-être même davantage encore. À cette idée, Rahel eut une vague de compassion envers son vis-à-vis, tandis que ce dernier repoussait son bras d’un revers de main assez vif. Bon. Haussant légèrement les épaules, Rahel en profita pour se descendre le liquide diaphane, grimaçant légèrement à sa tiédeur mais se rendant compte que, fichtre, la route l’avait assoiffé. Laissant retomber son bras et par-là même le gobelet qu’il garda fermement entre ses doigts – pour ne pas polluer ; il s’arrêterait à la prochaine poubelle, même si les éboueurs ne faisaient plus leur boulot depuis un bail. – le blond ne put s’empêcher de ciller, surpris, lorsque le brun lui demanda quelque chose d’alcoolisé. Quelque chose d’alcoolisé.. Ah, non, il avait beau réfléchir et envisager des possibilités capilotractées, il ne possédait rien de tel dans ses affaires. Mais ce ne fut pas ce qui retint son attention, en fait.

Si son cadet n’avait pas fait cette erreur, Rahel lui aurait proposé à manger sans faire de caprice, trop généreux pour refuser d’aider son prochain. Cependant, ses yeux légèrement écarquillés suivirent la bouteille des yeux, et lorsqu’elle rebondit contre le bas-côté pour atterrir piteusement dans le champ voisin, il ne put s’empêcher de révulser ses lèvres en une moue agacée (ce qui, sur son visage, donnait quelque chose de ridiculement enfantin, qui donnait envie de lui tirer les joues ou de lui asséner le kick du siècle selon les témoins). Contrarié, Rahel lança un regard critique au brun, hochant la tête de droite à gauche pour marquer sa désaprobation.
- Vous ne devriez pas lancer votre bouteille ainsi, ça peut être dangereux. Vous savez que le verre mettait trois milles ans à se désagréger dans la nature ? C’est énorme ! réprimanda-t-il avant de tourner le dos au brun, rangeant ses clés dans sa poche de jean. S’élançant vers le champ, Rahel remonta ses manches et donna une impulsion à ses chevilles pour sauter par-dessus le fossé qui séparait la route du pré, mais son élan le trahit et sa chaussure droite butta contre le rebord et le fit partir en avant, en un ‘Miiiince !’ étouffé. Quelques secondes plus tard, Rahel roulait au fond du fossé, désarçonné et recouvert d’épis, trahi par son équilibre précaire et sa maladresse récurrente.

Lesley s'attendait à tout sauf à ça. Limite, le type aurait pu lui mettre une tarte en pleine gueule que ça l'aurait bien moins étonné que ça ; et pourtant, le blond qui venait de lui proposer de boire dans un gobelet le reprit ensuite sur le fait qu'il venait de balancer sa bouteille dans la nature. Putain, mais c'était quoi son problème, à lui ? Cillant d'incompréhension, le musicien entrouvrit bêtement la bouche comme pour répliquer quelque chose, mais déjà le mec partait dans le champ pour faire son petit ménage. Bon. Si ça lui chantait, pourquoi pas, mais Lesley retroussa sa lèvre supérieure avec mauvaise humeur quand il remarqua qu'il avait emporté les clés de sa voiture dans la foulée. L'idée de lui prendre sa caisse lui avait brièvement traversé l'esprit, mais il ne savait pas comment faire sans la clé et il n'avait pas non plus l'intention de courir après le blondinet pour lui coller un pain et jouer les voleurs de métro. Résigné il enfouit donc ses mains dans ses poches tout en prenant appuis contre la voiture, mais alors qu'il regardait Rahel effectuer un petit saut gracile pour traverser le fossée, il assista également à sa chute stupide. Un cri qui ne lui appartenait pas retentit alors, strillant le calme de la campagne écossaise et faisant s'envoler un pauvre moineau qui sautillait sur le goudron, à quelques centimètres des chaussures de Lesley.

« Qu'est-ce que... » commença ce dernier, sans comprendre, et il s'approcha du fossé avec curiosité pour y découvrir un spectacle pour le moins surprenant. Le blond était étalé sur un autre type, plus vieux et beaucoup plus crade, qui se débattait comme si on essayait de l'égorger. Manifestement, il était là depuis un bon moment. Sûrement un sale clochard, et très certainement un mec de Glasgow à en juger par son accent.

« CONNARD DE RANGEEEER ! » brailla soudainement Boorman suite à cette illumination, et il sauta en l'air pour décocher un fabuleux coup de pied en plein dans la tête du clochard, coupant court aux insultes qu'il servait copieusement à Rahel. S'étalant ensuite logiquement dans le fossé, Lesley explosa de rire tout seul, trop imbibé pour ressentir la moindre douleur. Terrible.

Si Rahel prenait avec philosophie le fait d’être tombé comme une grosse quiche dans un fossé de la manière la plus ridicule possible – et devant des témoins, s’il vous plaît – le sourire qu’il esquissa en conséquence mourut cependant bien vite à la commissure de ses lèvres lorsque le sol bougea. Tout simplement. Rahel esquissa un mouvement pour se relever prestement ; savait-on jamais, peut-être était-il tombé sur un refuge de termite, pile à l’endroit où la reine couvait ! Il n’en eut cependant pas le temps : la chose le repoussa violemment, dans un bruit de carton froissé, et Rahel trébucha à nouveau, à genoux, faisant désormais face à un homme. Barbu, sale et apparemment mécontent. Si le blond s’avançait à tâtons comme il le faisait trop souvent, il en tirerait la conclusion que ce dernier était alors en train de dormir. Il n’en eut, là encore, pas le loisir (décidément, ça devenait une fâcheuse habitude depuis plusieurs secondes, il ne fallait pas que ça perdure ; imaginez seulement quelle vie de chien cela engendrerait). Le type se mit à crier des mots qu’il ne comprit pas – Seigneur, qu’était-ce que cet accent ? On lui avait déjà reproché d’en avoir un typiquement gallois, mais ça, ça dépassait de loin tout ce qu’il avait déjà pu baragouiner – en.. postillonnant. Comme je vous le dis. Autant dire que Rahel sentit ses poils s’hérisser dans la manœuvre. Imaginez un instant ; depuis combien de temps ce type ne s’était pas brossé les dents, hm ?

Rahel avait bien des idées : prendre la parole à son tour, se lever et partir, s’enfuir en courant les bras en l’air, lui demander calmement s’il était infecté pour savoir s’il devait paniquer.. La surprise et, quelque part, la peur l’en empêchaient. Ce type pouvait lui décoller un pain n’importe quand, il suffisait de voir comme il s’emportait alors qu’il l’avait simplement réveillé. Le brun qu’il avait croisé sur le bitume prit l’initiative à sa place et coupa court à son dilemme : il s’approcha en hurlant et frappa le sans domicile fixe d’un coup de pied. Un coup de pied. En hurlant une injure qui fit sursauter Rahel, lui arrachant un : ‘Roooh !’ de désapprobation. La malpolitesse, c’était bon pour les irlandais.

Le type barbu s’effondra lourdement et en silence. Le brun, lui, restait allongé dans le fossé en riant tout son soûl. Seigneur. Hochant la tête d’affliction devant un tel spectacle, Rahel saisit un mouchoir en tissu dans sa poche pour s’essuyer le visage, se penchant ensuite vers le cinquantenaire. Ce n’était pas parce qu’il était agressif qu’il fallait le traiter aussi mal ; c’était comme rejeter sa propre part d’humanité, et ça, Rahel ne le permettait pas.
- Monsieur ? Tout va bien ? Excusez-le, je crois qu’il est un peu euphorique. Rien de grave. Monsieur ? appela-t-il en essayant de lui tapoter le bras. Peut-être était-ce un relent d’une année de faculté de médecine, mais Rahel positionna sa main sur le poignet de l’homme. Plusieurs secondes s’écoulèrent ainsi dans le silence le plus total (excepté les rires hystériques de l’autre Ecossais), avant que Rahel n’écarquille les yeux, littéralement effrayé. Il est mort ? murmura-t-il devant l’absence de pouls, avant de se redresser d’un bond en un hurlement aiguë, bref mais intense. Mon Dieu ! Vous.. Vous l’avez tué ! Le pauvre homme ! Il ne vous avait rien fait ! Il faut, il faut faire quelque chose ! Seigneur ! s’excita-t-il en tapinant sur place, plaçant finalement sa main devant sa bouche en observant le visage du défunt. Puis il fit vivement volte-face en étouffant un sanglot ; non, c’en était vraiment beaucoup trop pour lui !

Lesley mit un temps incroyablement long à assimiler le sens des paroles que le blond débitait relativement à sa panique grandissante. Tuer ? Mais tuer qui ? Tout cela sonnait comme les paroles d'un vieux dessin animé style Bugs Bunny, oh mon dieu, il est mort, mais pourquoi t'as fais ça crétin, et Lesley rigola à nouveau tout en se redressant lentement sur ses coudes. Putain, il faisait pas semblant le mec, il avait vraiment l'air ravagé.

« Oh, détends-toi un peu... » supplia le musicien en se frottant les yeux d'un revers de main, et il s'approcha ensuite en rampant du cadavre du clochard, qui avait vraiment l'air bien mort pour le coup. Ohoh ! Avec une frappe comme ça, il aurait certainement pu prétendre à être pris dans l'équipe nationnale. Ca, c'aurait été cool. Des tonnes de fans, des filles et de l'alcool à volonté. Quoi que, non, les footballeurs ont une vie de merde concernant tout ce qu'ils ingurgitent. Avec une grimace de révulsion Lesley laissa tomber définitivement cette idée, et il donna une pichenette sur la tête cabossée et crasseuse de mec de Glasgow. Mort de chez mort, eh, l'autre n'avait pas menti. Terrible.

A ses côtés Rahel continuait sa litanie désespérée, et Lesley, dans un grognement d'impatience, lui asséna une tape derrière la tête, rien à voir cependant avec la violence de son précédent coup de pied meurtrier. « Fais pas ta gonzesse, il était déjà à moitié crevé de toute façon. Pis à mon avis il était bien infecté le gars, alors tu devrais plutôt me remercier, j't'ai sauvé, mec, tu vois ce que j'veux dire ? »
Il n'était pas triste. Sa compassion, déjà relativement limitée d'ordinaire, ne pouvait vraiment pas aller jusque-là. Convaincu que son argumentation était la bonne, Lesley choisit donc de ne pas s'attarder et il se remit péniblement sur ses pieds pour ensuite tenter de remonter jusque sur la route, ce qui sous l'emprise de l'alcool se révélait assez difficile. « Aide-moi, bordel, bouge-toi un peu ! » marmona-t-il donc à l'intention du blond, parce qu'après tout c'était lui qui avait les clés, alors il n'avait pas intérêt à rester là-dedans pendant trois plombes. Lesley était pressé, putain, il avait des gens à retrouver, il était pas là pour taper un pique-nique avec le premier clochard venu, même mort.

Les éclats de rire du type n'arrangèrent en rien l'état de Rahel : paniqué, ravagé, celui-ci renifla à plusieurs reprises des sanglots désespérés qui perçaient ça et là sa respiration sifflante. Pour lui, qui n'avait jamais vu un cadavre de sa vie, dans une telle période nerveuse, c'en été trop ; oh, c'est vrai, son frère était mort d'une balle de fusil dans le crâne, mais Rahel n'avait jamais fait qu'entendre l'anecdote en écho, il n'avait pas à proprement parlé vu la scène. Là, le spectacle avait beau ne pas être impressionnant, le simple fait de savoir que le type pouvait être mort et qu'il ne le reverrait plus jamais sourire (ou lui gueuler dessus, au choix) lui tordait les entrailles. Lorsque le brun lui demanda de se détendre, se détendre nom d'un chien, Rahel ne put alors retenir un tremblement de panique. Se calmer. Oui, c'était sûrement la meilleure solution ; mais comment ? Ce n'était tout de même pas anodin, une vie ! Respirant profondément et le plus posément possible, le violoniste prit sur lui pour faire volte-face et observer l'écossais qui, stoïquement, s'était approché du défunt pour l'observer. Reniflant une énième fois tandis que ses globes oculaires redevenaient humides, et il se mit à murmurer une prière judaïque, pas vraiment consciemment mais pour soulager l'âme de ce pauvre bougre (ainsi que la sienne, perturbée par cet événement brutal). En guise de réponse, le brun lui frappa le derrière du crâne, ce qui eut pour effet de le faire sursauter violemment et se taire tout à fait.

La question de l'infection du SDF, Rahel se l'était déjà posé. S'il se rappelait bien, les postillons n'étaient porteurs du virus qu'à condition que l'infecté soit à un stade avancé. Le barbu semblait encore saint d'esprit, non ? Oh, bien sûr, il lui avait hurlé dessus en l'insultant, mais.. mais il n'avait pas de plaques rouges et puis il était légitime qu'il s'énerve, vu comme Rahel l'avait réveillé ! Tremblant et inquiet, Rahel se releva en titubant, s'accrochant au rebord du fossé en faisant s'ébouler une motte de terre qui vint recouvrir le corps de cet inconnu. Et tandis que son vis-à-vis encore bien vivant, lui, tentait désespérément de remonter sur la route en lui ordonnant à peu de choses près de l'aider, Rahel eut une idée. Se tournant vers le brun, il s'efforça de prendre une expression la plus autoritaire possible, ce qui, sur lui, ressemblait plutôt à une moue contrariée d'un gosse qui essaie d'imposer ses caprices à sa mère que quelque chose de véritablement sérieux ou intimidant.
- On ne peut pas le laisser ici. Il faut lui offrir une sépulture correcte. annonça-t-il sans penser un seul instant au travail que cela représentait en amont ; creuser, mettre le corps, reboucher, prier un peu.. dans le meilleur des cas ils y passaient vingt-quatre bonnes heures. Mais qu'importe, Rahel était trop concerné pour se laisser décourager par si peu, et il entreprit alors de s'extirper du fossé, déterminé. Bon, par contre, creuser à mains nues, ça allait être bien galère si la terre du champ d'à côté n'était pas retournée ou particulièrement travaillée. Oh, tant pis, ils se débrouilleraient bien !

Lesley avait laissé tomber ses efforts pour sortir du fossé, et il s'était laissé glisser à nouveau jusqu'en bas pour venir se planter en face de Rahel qu'il dévisageait à présent comme un général d'armée le ferait face à une troupe désordonnée.
Une sépulure ? Correcte ? La bouche du musicien se tordit en une grimace éberluée. Ce con voulait creuser une tombe ? Ridicule, putain. Où est-ce qu'on pouvait aller chercher des idées pareilles ? A croire qu'il était tombé sur le roi des glands, pas plus pas moins. Remarquez, avec ses cheveux blonds et son air d'enfant de choeur, il aurait du s'en douter.
Lesley se sentait démangé par l'envie de lui foutre une nouvelle baigne pour lui remettre les idées en place, mais quelque chose lui disait, malgré son fou éthilique, que cela ne fonctionnerait pas. Il avait l'air perturbé, ce mec. Il lui était peut-être arrivé un truc horrible juste avant, après tout c'était le genre de chose qui se passait pas mal vu les circonstances, mais peut-être aussi que c'était simplement une lopette. Las de réfléchir, le brun renifla et tatônna un moment la poche de son jean avant d'en sortir son paquet de cigarettes. Il avait besoin de boire quelque chose, et de se poser un peu, pas de creuser un putain de trou pour un connard de Glasgow. Sans déconner, c'était vraiment un comble !

« J'voudrai pas te brusquer mec, mais je crève la dalle. » dit-il alors en portant une clope à ses lèvres, qu'il pris quelques secondes pour allumer avant de continuer : « Tu pourras enterrer le prochain qu'on croisera, ou le crâmer, ou en faire ce que tu veux, mais là genre faudrait privilégier les vivants. Tu t'en sortiras pas longtemps si tu traînes, et moi j'ai pas envie de crever comme une merde, alors sois tu remonte avec moi sois je te tabasse et je prends tes clés, tu vois ce que je veux dire ? »

Les cons, faut tout leur expliquer point par point sinon ils captent jamais rien. Lesley en avait fait l'expérience de nombreuses fois, et étant donné qu'il n'était pas le genre de types à déborder de patience, mister blondasse avait tout intérêt à obéïr. Les addictions ça rend parfois violent.

Baissant les yeux vers le cadavre, Boorman fronça le nez comme s'il s'imaginait déjà l'odeur dégueulasse qui en émanerait bientôt. A moins que ce soit à cause du manque d'hygiène du clodo, ce qui semblait plus probable. Lui-même ne devait pas être un modèle de propreté, mais putain, qu'est-ce que ça pouvait bien faire ? Il marchait depuis trois jours et il commençait vraiment à en avoir marre. A ce stade là, il aurait été capable de dégommer la tête de l'autre sans sourciller. Il n'avait rien de très baraqué, mais après tout le blond non plus. Côté force, ils devaient sûrement se valoir, c'était un avantage, surtout si c'était vraiment une lopette.

Rahel observa une seconde son vis-à-vis sortir son paquet de cigarette, las de vainement tenter de sortir de leur trou, avant de s'attaquer à son tour à l'escalade qui fut relativement plus aisée pour sa part, puisque ses gestes, sobres, étaient largement coordonnés. Il en était à se hisser lorsque le brun lui répondit, et Rahel marqua un temps surpris. Voire outré, en fait. Ce type venait de tuer un homme et il pensait à manger ? Mon Dieu, mais quel était donc cet égoïste ; il avait beau chercher, Rahel n'avait jamais imaginé un pareil désintérêt. Davantage pour ce genre de choses. Aussi loin qu'il se souvienne, il avait toujours fréquenté des gens vertueux, qui suivaient avec volonté et passion les préceptes vantées par le rabbin de la paroisse où ils se retrouvaient tous. Stoppé dans son mouvement, le blond s'apprêtait à répliquer lorsque l'écossais continua sur sa lancée, faisant écarquiller les yeux au premier. Le tabasser ? Le tabasser ? Lui ? Mais enfin, il n'avait strictement rien fait, c'était vraiment cruel ; après tout, c'était le brun qui avait tué quelqu'un, sur le coup même, alors que lui, Rahel, n'avait fait que proposer des bonnes idées. Ouvrant légèrement la bouche d'affliction, l'aîné ne tarda néanmoins pas à la refermer pour remonter sur la route, silencieux. Il n'allait pas risquer à provoquer un tel personnage ; Rahel le réalisait doucement, mais ce dernier n'avait pas hésité à assassiner un pauvre homme pour la simple et bonne raison qu'il avait un accent, alors qu'il lui réponde et lui paraisse irrévérencieux.. Seigneur, Rahel ne préférait pas y penser. Il tenait à retourner Esther avant de mourir, que ce soit de manière naturelle ou de la main d'un alcoolique.

Une fois sorti du fossé, Rahel se dirigea vers le champ où il alla ramasser la bouteille de verre préalablement jeté par l'autre psychopathe, avant de revenir, tout penaud. Il sauta par-dessus le fossé de manière plus leste que précédemment et alla ouvrir le coffre de sa voiture pour y placer la bouteille dans un sac de tri écologique qu'ils avaient toujours laissés là, sa femme et lui. Souvent, ils s'organisaient des pique-niques, improvisés ou non ; cela se révélait alors bien pratique, même s'il était hors de question qu'il y place de l'alcool comme actuellement. D'ailleurs, par curiosité, le blondinet se permit de sentir le goulot avant de grimacer et de refermer bien vite la portière. Dés lors, il revint vers le prisonnier qui observait toujours le corps du défunt en fumant (peut-être une sorte de rédemption ? Aurait-il un cœur, finalement ? Rahel ne s'avança pas à le demander), avant de lui tendre la main pour l'aider à sortir, reniflant en ravalant ses dernières larmes.
- Venez, vous n'allez tout de même pas manger quelque chose au fond de ce trou. murmura-t-il d'une voix éteinte. C'était un peu trop pour lui, finalement. Nul doute qu'il lui suffirait d'à peine deux minutes pour se remettre sur pied et redevenir l'homme qu'il était habituellement, mais là, il avait comme un coup de pompe. Seigneur, la lassitude ce n'était pas bon pour ses nerfs fragiles.

Fasciné par le visage émacié et figé du clochard, Lesley ne prêta pas attention au blond lorsque celui-ci s'en alla ramasser la bouteille de whisky, et pas davantage encore quand il partit la ranger consciencieusement dans le coffre de son monospace. Si ça avait été le cas, il lui aurait très certainement rit au nez. L'incongruité de ce geste, le fait de simplement songer à ramasser et trier ses déchets alors que la Terre entière partait en sucette, Lesley n'était absolument pas apte à le comprendre. Et il n'était certainement pas le seul.

A son intime soulagement cependant, le blond refusa sa proposition en duel, et sembla oublier l'idée d'enterrer le type malencontreusement kické à mort. Apparement le bien-être des vivants lui importait finalement plus que celui des défunts, ou alors avait-il simplement pris la menace de Lesley au sérieux. En vérité, il n'était pas certain que dans son état, il soit parvenu à lui voler quoi que ce soit, clés ou autres. Déjà qu'il ne parvenait pas à remonter sur cette saloperie de route.

Heureusement à ce propos son hôte ne fit pas le chien, et il s'approcha à nouveau pour lui offrir son aide. Lesley l'accepta avec plaisir, s'accrochant à sa main pour se laisser hisser hors du fossé. Ses baskets glissèrent sur l'herbe sèche et il manqua bien de se gaméler une ou deux fois, mais au final il parvint enfin à s'en extirper.

« Super, mec ! » s'exclama-t-il donc avec bonne humeur, et il fit un ou deux pas en titubant, regardant tout autour comme pour tenter de replacer les choses dans leur contexte. Il le trouvait soudainement sympa, ce petit blondinet, malgré ses allures de pd.

« Bon on mange un truc et tu m'emmenes jusqu'à Carlisle ou Newcastle, d'ac ? J'suppose, genre, que les mecs sont tous partis vers le sud, tu vois. » déclara le brun tout naturellement en posant un de ses bras sur les épaules de Rahel et louchant sur la fumée qui s'échappait d'entre ses lèvres. « D'ailleurs, mec, c'est quoi ton nom ? S'tu dois me conduire là-bas on va passer un moment dans ta caisse, j'vais pas t'appeller Galak-man pendant des plombes. Moi c'est Lesley, Lesley Boorman, j'ai un groupe à Edimbourg, les Tarraing mo dirk, tu dois connaître. L'autre jour on a fait la première partie des DarkSuckers, à l'Usher Hall, mais souvent on fait, genre, nos propres concerts, tu vois ce que j'veux dire ? »

Traquille et l'air d'avoir complètement oublié l'aventure du meurtre du sans-abri, Lesley ôta la cigarette de ses lèvres pour la proposer à Rahel en haussant les sourcils dans une invisation claire. Si il l'acceptait, c'était sûrement un mec OK, après tout.

Prenant sur lui pour ne pas se laisser entraîner en avant par le poids de cet inconnu désarticulé, Rahel l'extirpa de son trou en se demandant s'il n'était pas plus sage de le laisser se calmer avant de le laisser libre de ses mouvements. Non, sûrement pas ; après tout, il restait un être humain comme lui et ne méritait pas un tel traitement. Surtout lorsqu’un cadavre se trouvait dans ce même fossé. Se risquant à jeter un dernier coup d’œil à ce dernier, le blond réprima un haut-le-cœur et se détourna vivement, calmant sa respiration pour tenter de se rasséréner lui-même. Le type qu’il avait aidé fit quelque pas en titubant – sûrement le choc – et s’exclama sur sa bonne humeur. Oh, bien sûr, Rahel ne voyait pas en quoi la situation actuelle pouvait être qualifiée de ‘super’ mais il s’efforça de lui rendre un sourire maladroit, balayant l’air devant lui d’un mouvement de main évasif. Le brun, quant à lui, passa un bras autour de ses épaules en lui faisant se hérisser les poils (les contacts aussi vulgaires avec les inconnus perturbaient le juif qui, de ce fait, ne savait jamais trop comment réagir si ce n’était en laissant couler) en lui parlant de nourriture et de ville. À ce propos, Rahel eut comme une illumination ; c’est vrai qu’avant que tout cela n’arrive, il était perdu ! Carlisle, Newcastle.. C’était dans le Nord de l’Angleterre, ça.

Réfléchissant une seconde à sa propre situation, il sembla se rendre compte de sa propre impolitesse et reporta son attention sur le brun qui, lui, n’avait cessé de parler. Édimbourg. Écosse. Plus ça allait, plus ça montait ; il n’avait tout de même pas roulé aussi longtemps et aussi loin, si ? Songeur, Rahel se détacha légèrement pour faire face à son vis-à-vis, qui lui tendait une cigarette. Oh, ça, c’était gentil de partager dans un moment pareil ; ce brun n’était-il peut-être pas aussi bourru qu’il voudrait le faire croire.
- Non, merci, je ne fume pas. refusa-t-il en appuyant ses propos d’un hochement de tête en signe de dénégation. Enchanté Lesley, c’est d’ailleurs un très joli prénom, très poétique. Je suis Rahel, Rahel Malkyn, et je viens de Cardiff. D’ailleurs, je ne connais pas Édimbourg, je n’y suis jamais allé, alors je ne connais pas non plus votre groupe, mais si vous avez un CD je serais ravi de l’écouter. enchaîna-t-il en accompagnant ses mots d’un sourire un peu plus avenant. Je serais vraiment ravi de vous être d’une quelconque utilité mais, si vous pouviez m’aider à votre tour, ce serait vraiment charmant. acheva-t-il avant de retourner vers sa voiture. Cet homme avait bien dit qu’il avait faim, non ? Et après tout, lui aussi, commençait à ressentir le manque de nourriture. Il fallait voir ce qu’il lui restait, par contre ; le strict nécessaire, à n’en point douter.

Cardiff ? C'était pas en Ecosse, ça. Lesley plissa les yeux tout en tentant de se remémorer ses leçons de géographie, sans résultat. Il était vraiment une bille à l'école, ça, y avait pas photo. Une merde en maths, le dernier des cons en orthographe, mais pire encore, à part Leith, Edimbourg et approximativement Glasgow, Lesley avait toujours été incapable de situer quoi que ce soit. Il savait, bien évidemment, que Newcastle et Carlisle étaient les villes anglaises les plus proches de l'Ecosse, mais c'était à peut près tout. Alors Cardiff... Si ça s'trouve, c'était même pas en Angleterre. Dommage pour lui, parce que c'est bien connu, l'Ecosse c'est le pays des Dieux. Le whisky, la musique, les Hibs... Ouais, vraiment, il avait pas de bol au fond ce blond. Sans parler du fait qu'il ait jamais entendu les Tarraing mo dirk. Quand Rahel, puisque c'était son nom, évoqua pourtant le fait que ça l'intéresserait beaucoup de les écouter, Lesley haussa les sourcils avant d'afficher un petit sourire fier. Ca, c'était classe ! A ceci près qu'ils n'avaient jamais fait de CD. Mais bon. Le fait qu'il ait l'air de s'y intéresser, c'était déjà génial, genre, quoi.

« On est six. Moi, John, Arthur, Paddy, Spider, et Chuckie. C'est tous des connards, surtout Chuck, mais faut que je les retrouve, tu vois ce que j'veux dire ? »

A vrai dire, cette histoire commençait à l'inquiéter. Chaque seconde qu'il perdait ici était autant de temps donné aux mecs pour qu'ils s'éloignent encore davantage de lui, et sans qu'il n'ait aucun moyen de savoir où. Ce type, Rahel, il devait très certainement avoir sa propre histoire, dans le genre. Peut-être qu'il était venu chercher sa famille ou ses potes en Ecosse.

Ne s'en préoccupant pas davantage de ça pour le moment, le musicien se frotta les mains en regardant Rahel se diriger vers sa voiture. Enfin, l'heure de la bouffe ! C'était pas trop tôt. Il se serait bien fait un putain de hamburger, mais faudrait faire avec les moyens du bord. Quoi que, c'était pas dit. Ce con avait bien des gobelets dans son coffre, alors pourquoi pas du Mcdo ?

Quant à sa demande, Lesley l'accueilli plutôt bien ; on venait de le flatter alors ça n'avait rien d'étonnant, hein.

« Mais ouais, 'caisse que j'peux faire pour toi vieux ? » demanda-t-il donc en haussant les épaules, espérant que ça ne serait pas quelque chose de trop galère.

Tandis que Lesley se perdait dans ses réflexions, Rahel, lui, se perdait dans son coffre qu’il fouillait tendrement en mesurant le moindre de ses gestes, ayant à cœur de ne rien abîmer et surtout pas ses fleurs, dont certaines pétales commençaient sérieusement à faire la gueule. Qui pouvait les blâmer ? Après tout, Rahel lui-même n’était plus qu’une ombre de lui-même. Une ombre très fidèle, certes, mais beaucoup plus fade, à l’odeur moins agréable, au sens propre comme au figuré – il devait se laver sans gel douche lorsqu’il croisait un coin d’eau et improvisait la plupart du temps en se frottant d’éléments naturels comme des pierres d’alun ou d’algue qui, contrairement à ce que beaucoup pensaient, pouvaient parfois se montrer nuisibles. Heureusement, il avait assez de connaissances pour éviter de se traîner une infection handicapante et sélectionnait son savon artificiel avec le plus grand soin, Dieu en soit loué. Ramenant sa main à lui pour suçoter son index droit qui avait malencontreusement heurté un coin du cageot dont le bois commençait sérieusement à se dégrader, le blond fronça les sourcils d’un air soucieux. Voyons.. Ses dernières provisions remontaient au jour de son départ, et il devait forcément lui rester quelque chose dans le coin. Au moment même où cette pensée lui traversa l’esprit, ses doigts se saisirent d’une barquette en plastique qu’il extirpa de sa cachette. Ah ! Une salade composée au maïs et au thon. Parfait, c’est ce dont il avait besoin actuellement ! Généralement, il ne mangeait pas de thon, mais il ne restait pas grand-chose à mettre dedans et il s’y était résigné, parce que seule Esther était végétalienne ; lui, il était seulement végétarien. Il pouvait se pardonner cet écart.

- Ils sont partis sans vous ? Je comprends votre inquiétude, Lesley, ce doit être vraiment horrible. Je vous déposerai avec plaisir dans les villes que vous souhaitez visiter ! J’espère que vous arriverez à les retrouver, il est toujours difficile de voir des amis démunis. Ou, dans votre cas, de ne pas les voir. certifia Rahel, tout à fait sincère, gratifiant son compagnon d’un sourire assuré en lui tendant la barquette. Déjà, il replongeait dans son coffre et en ressortait des sets de couverts en plastique. Personnellement, j’aimerais revenir à Cardiff. Le problème, c’est que je ne connais pas la route ! Je suis tout à fait perdu. Pouvez-vous m’indiquer la direction à suivre ? J’ai.. encore des choses à faire, là-bas. Je n’aurais jamais dû partir. souffla-t-il, une pointe de remord dans les yeux, avant de rajouter précipitamment lorsque Lesley lui sembla un peu suspicieux : Oh, ne vous en faites pas, je ne vous force pas à m’accompagner jusque là-bas ! Nous allons d’abord descendre faire le Sud, vous m’indiquerez le reste de la marche à suivre lorsque nos chemins se sépareront et voilà. assura-t-il d’un air beaucoup plus joyeux, retournant dans son coffre à la recherche d’un deuxième éventuel repas. Ce n’est pas tout ça, mais il se devait de se sustenter avant de reprendre la route. D'ailleurs, où sommes-nous exactement en Écosse ?

C'était quand même carrément un coup de chance, de tomber sur ce mec. Bon, okay, il avait l'air un peu gland mais il avait une voiture en état de marche, et à manger. A manger ! Ordinairement c'est vrai que Lesley ne bouffait pas beaucoup et buvait à outrance, d'où sa silhouette rachitique. Mais cela faisait quasiment trois jours qu'il n'avait rien avalé, et n'ayant plus rien d'alcooliser à se fourrer dans la gorge, la situation commençait à être problématique. Un jour, plusieurs années auparavent, il avait sympathisé avec un clochard d'une trentaine d'années répondant au nom de Ronnie. Ronnie n'avait jamais travaillé, et pourtant il était sorti d'une université anglaise prestigieuse ; c'était le genre de types avec une culture générale phénoménale, capable d'expliquer n'importe quoi et d'occuper le silence par des propos sensés et intéressants là où d'autres se contentaient de bavasser à propos du temps ; Ronnie était un type très intéressant, mais il semblait que sa culture et son intelligence ne soient destinées qu'au public très restreint de ses connaissances de la rue, puisqu'il n'en fit jamais bénéficier personne d'autre, qu'il devint un clochard à l'âge de vingt-et-un ans et qu'il fit le choix, oui, le choix, de le rester jusqu'à la fin de sa vie. Il cherchait certainement à prouver qu'il avait une volonté nihiliste, un comportement subversif, une volonté de faire face au monde et à la société que très peu d'individus pouvaient se permettre de revendiquer ; dans son adolescence retardée de nouvel alcoolique, Lesley le voyait ainsi et il l'admira beaucoup jusqu'à ce que le pauvre Ronnie, dont tous les amis respectaient la décision de dormir tout l'hiver dans un local à poubelles, meure finalement de froid entre deux containers à verre remplis de bouteilles ouvertes pour Noël. Durant ses dix années d'errance achernée Ronnie avait connu la faim, et il l'avait expliquée un jour à Lesley qui lui, en cas de dèche sérieuse, finissait toujours par tourner les talons pour se réfugier chez ses géniteurs trop inquiets ; la faim était une bête féroce, sournoise et silencieuse qui s'immiçait dans les entrailles pour les matraquer, les brûler et les charcuter, le tout sans jamais leur accorder le soulagement de l'inconscience. Elle revenait par vagues houleuses, grondantes, quand on pensait enfin s'être habitué à sa présence muette, pour ne paraître que plus violente encore. Le pire, cependant, avait précisé Ronnie, c'était quand on ne sentait plus rien, après quatre ou cinq jours. Là, on pouvait sincèrement commencer à s'en faire.
Lesley n'avait pas envie de finir comme Ronnie au fond d'un local poubelle, crevé à cause de ses principes à la con, aussi il était prêt à bouffer n'importe quoi. Oui, n'importe quoi, même ce...

« C'est quoi cette merde ? » marmona le musicien en retournant la boîte en plastique entre ses mains. De la salade ? De la salade, alors qu'il crevait de faim ? Qu'il aurait eu besoin d'un putain de steack d'un kilo avec des frites ? Non, ça n'était pas tellement ce qu'il avait imaginé.

Ennuyé, il esquissa une grimace alors que Rahel l'ignorait, continuant de déblatérer tout en s'emparant d'une seconde barquette dans son coffre, qui était au passage ouvertement le coffre d'une voiture de PD.

Quand la ville de Cardiff revint sur le tapis, Lesley releva la tête de sa salade de thon pour hausser un sourcil en fixant à présent l'expression solicitante du blondinet. Cardiff. Mouais. La route. Mouais. Mais c'est qu'il en avait aucune foutue idée, lui, bordel. Il pouvait pas habiter en Ecosse comme tout le monde, ce con ?

« On est pas loin d'Edimbourg. » répondit-il finalement avec un train de retard, quand le fleuriste lui demanda où ils se trouvaient. Il faut dire que cette satanée boîte semblait impossible à ouvrir. « Edimbourg, mec. Sans déconner, t'étais jamais venu ? » ricana une fois de plus le brun, venant finalement à bout de l'ouverture supposée facile. Fuck le maïs et le thon, mais il crevait de faim. Sans prendre la peine de répondre immédiatement à la demande de son sauveur, il s'assit par terre, le dos contre l'un des pneus du monospace, et commença à enfourner la nourriture à grandes bouchées pressées.

« Ouah, ça fait trop du bien mec, tu vois ce que je veux dire ? » s'exclama-t-il une fois qu'il eut terminé, c'est à dire approximativement deux minutes plus tard. Il s'apprêta ensuite à envoyer valser la barquette dans la nature, mais il reteint son geste au dernier moment pour adopter une moue dubitative et finalement la tendre à Rahel, qui pourrait la recycler comme il voudrait. Ca semblait lui faire tellement plaisir.

Le ventre plein, on a les idées plus claires. Ce qu'il aurait fallut à Lesley pour qu'il se remettre totalement d'aplomb c'était une bonne bouteille de Whisky, mais dans l'immédiat, cela semblait impossible. Sans demander l'autorisation, l'Ecossais s'étira avant de grimper dans la voiture, côté passager. Il sortit à nouveau ses lunettes teintées de sa poche pour les coller sur son nez, et il jeta son sac sur les sièges arrières avant de se tourner vers Rahel qui était toujours à l'extérieur, lui faisant un signe explicite de la main pour lui demander de s'approcher. Quand ce fut fait, Lesley baissa légèrement ses lunettes pour croiser le regard du blond.

« Ca marche, mec, on décolle. On suivra les panneaux, on devrait s'en sortir vu que je sais encore lire. Oh, et, je peux dormir un peu ? Tu me réveilleras quand on passera devant un magasin d'alcool. »

- Édimbourg ? Oh oui, Édimbourg, je vois.. c'est pittoresque. commenta Rahel en ouvrant sa propre salade, ignorant sciemment de relever la remarque de Lesley à ce sujet, alors qu'il n'avait aucune idée d'où cette ville pouvait bien se trouver ; quant à leur position géographique actuelle, ce n'était même pas la peine d'en parler. Il n'avait jamais été très doué en connaissance du territoire, et ce depuis sa prime jeunesse. Esther prenait généralement la charge de les guider lorsqu'ils partaient en vacances - ou de le renseigner lorsqu'il jouait à Questions pour un Champion online, jeu dans lequel il était plutôt bon ! Un instant, il se demanda ce qu'était devenu son présentateur, avant d'avaler une feuille de salade d'un air soucieux. Oh vous savez j'ai beaucoup voyagé mais l'Ecosse ne m'a jamais vraiment attiré, par contre j'ai bien connu la France, l'Italie et la Grèce : ce patrimoine culturel, quelle saveur.. ! Tout à fait splendide. Si un jour vous avez l'occasion.. oh, bien sûr, en admettant que la situation s'arrange, mais.. Rahel s'interrompit en remarquant que le brun était concentré sur sa nourriture, et finit par sourire, attendri, avant d'en faire de même. Après tout, il était malpoli de parler durant un repas, cet homme avait raison, et il serait le dernier à le blâmer.

Celui-ci fut le premier à terminer sa barquette et la lui rendit, le blond la prenant pour mieux la ranger dans son bac écolo avec sollicitude. Il commençait à assimiler ces préceptes : c'était bien. Il pouvait faire des efforts envers lui aussi, après tout, ce serait un juste échange de bons procédés, non ? Oh, il pouvait bien lui offrir un bouquet, mais il n'était pas certain que Lesley apprécie. Ce dernier l'interpella d'ailleurs après s'être installé à la place du mort, et Rahel s'approcha en mastiquant son thon, haussant un sourcil de curiosité tout en hochant d'ores et déjà la tête pour acquiescer par réflexe. Rouler ? Oh, eh bien.. Le gallois était encore un peu épuisé mais oui, c'était encore ce qu'il y avait de mieux à faire, d'autant que si le brun dormait il pouvait se permettre des pauses. Oh oui bien sûr, je vous en prie, je me charge de tout. Autant dire que Rahel ne comptait pas le réveiller outre mesure pour satisfaire ses pulsions alcooliques, tenant d'ores et déjà à cœur de prendre soin de lui et de le désintoxiquer, mais ils avaient déjà vécus trop d'émotion. Autant le laisser se reposer un peu au préalable.

Terminant son repas, buvant une gorgée d'eau et rangeant méticuleusement le tout dans son coffre, Rahel remonta à la place du conducteur pour mieux attacher sa ceinture, ajuster son rétroviseur et lancer son moteur. Lesley s'endormit assez rapidement, et Rahel alluma son lecteur CD pour mettre le son au minimum, berçant ses pensées de quelques œuvres classiques bien connues de sa jeunesse juive. Les panneaux défilèrent, plus ou moins dégradés, plus ou moins informatifs, et deux heures durant son sens de l'orientation déplorable le mena à des endroits aussi improbables que paumés. La campagne profonde eut cet avantage de ne leur faire croiser personne, et alors que la fatigue commençait à gangréner ses jambes Rahel se décida à s'arrêter devant une ferme abandonnée, un peu glauque mais qui avait l'avantage de leur fournir un toit et, qui sait, peut-être des réserves de nourriture plus épaisses qu'une feuille de salade. Coupant le compteur, le blondinet s'étira et se tourna vers Lesley pour le remuer et mieux le réveiller. Lesley ? Lesley, nous allons faire une pause, venez vous reposer à l'intérieur, ce sera sûrement plus confortable que le fauteuil - même s'il est en cuir, je suis allergique à la camelote. informa-t-il en souriant, avant de sauter de la voiture en rangeant ses clés dans sa poche. Ah ! Un peu d'air frais..

Bien sûr, Lesley ouvrit la bouche avec incompréhension quand Rahel lui appris qu'il n'avait jamais mis les pieds en Écosse ; en fait, c'était certainement le fait que l'Écosse ne l'ai jamais vraiment attiré, comme il le dit, qui atterra le musicien. Quoi ? Des mecs comme ça existaient réellement, alors ? Il se serait fait un plaisir de lui expliquer point par point pourquoi l'Écosse était le centre du monde et pourquoi les Écossais étaient par essence une sorte de peuple élu de l'humanité, mais il n'avait pas assez d'alcool dans les veines pour que sa verve patriotique franchisse la barrière de ses lèvres. Quant à la France et au reste... Quelle blague. Quelque part ça ne l'étonnait pas de la part de Rahel, qui faisait quand même vraiment PD. Tout le monde ne pouvait sans doute pas capter l'excellence qui suintait du sol sur lequel ils étaient actuellement, mais cela restait une maigre consolation. Après tout, en se dirigeant vers le sud, ils étaient destinés à quitter le territoire à un moment ou à un autre. Lesley Boorman était certain de ne pas pouvoir y survivre bien longtemps, mais cela n'avait pas d'importance puisqu'il avait simplement l'intention de traîner les membres de The First Harp jusqu'à Édimbourg, une fois qu'il aurait enfin mis la main sur eux.

Ca ne semblait pourtant pas pour tout de suite. L'estomac enfin rempli, même sa principale priorité était loin de se trouver là, Lesley s'endormit en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Il n'était pas d'une nature particulièrement méfiante, mais il savait d'ors et déjà avec certitude qu'il n'aurait rien à craindre d'un mec comme Rahel. C'était l'archétype même du gars qui ne cherche pas les emmerdes volontairement et de qui on peut obtenir plus ou moins ce que l'on veut sans trop se fatiguer, un type trop gentil, en somme. Non vraiment, il ne lui faisait pas du tout peur. Et puis, il se sentait trop crevé pour batailler longtemps avec la raison, aussi laissa-t-il les commandes au blond comme il l'avait fait pendant la plus grande partie de sa vie en laissant aux autres la responsabilité de prendre soin de sa personne, ce qu'il trouvait totalement légitime sans avoir jamais eu à se poser la question.

Chose étonnante, Lesley rêva de son frère. Ses rêves étaient toujours incroyablement réalistes, sûrement pour faire la part avec la réalité distendue qu'il vivait presque constamment en étant réveillé ; cette fois-ci, il rêva du mariage d'une cousine quelconque auquel ils étaient allés tous les deux des années plus tôt. Un truc profondément traditionnel et catholique, le genre de cérémonie où tout les mecs portent un kilt, ce qui avait férocement déplu à Lysander. Si Lesley, lui, ne s'obstinait qu'à voir le côté écossais et guerrier, son petit frère déclarait que ça faisait quand même sacrément gay. Les choses avaient dérapé au fil de la soirée, Ellis lui avait vidé une bouteille de bière sur la tête en chantant The Drunk Scotsman d'une voix caverneuse, et Lesley avait tenté de le chopper pour donner à ses dents l'occasion d'embrasser la table d'un peu plus près. Un souvenir agréable en fin de compte, si l'on acceptait le fait pour Lesley d'avoir perdu une de ses incisives supérieures dans la bataille ; mais après tout, l'esthétique, c'était bien une préoccupation de gonzesse. Quand Rahel se décida à le réveiller, Lesley était encore en pleine bataille onirique et il mis une bonne minute avant d'atterrir, se contentant alors de fixer le blond en cillant compulsivement à ses paroles. Une pause ? A l'intérieur ? Mais à l'intérieur de quoi, bordel ?

« On est encore en Ecosse ? » croassa-t-il en remettant correctement ses lunettes noires sur son nez, tandis que Rahel sortait de la caisse. Se redressant légèrement, le brun jeta alors des coups d'œil alentours, se demandant bien pourquoi diable l'autre gland avait décidé de s'arrêter là. Bon, okay, tout le monde avait fini par dégager, mais qu'est-ce qui disait qu'il n'y avait pas une tripotée d'infectés qui attendaient leur mort bien cachés dans cette grange ?

Malgré tout, Lesley n'avait pas tellement envie de rester cloitrer à l'intérieur. Peut-être qu'il restait des bouteilles planquées dans une cave, pas loin, il suffirait de se montrer prudent. Descendant du monospace à son tour, il s'éloigna légèrement en direction du bâtiment, s'arrêtant net la seconde suivante en entendant quelque chose arriver sur la droite. Un infecté ? Un zombie ?! Ah ben non, c'était juste une poule.

« Oh, eh, mec, on va pouvoir bouffer de la viande ce soir ! » ricana Lesley en songeant que ce serait largement mieux qu'une nouvelle ration de cette merde en boîte que l'autre appelait de la salade. Pitié quoi, plus jamais ça.

Comment on fait, pour attraper une poule ? C'est sauvage, ces trucs là ?

« Allez viens m'aider putain, genre, rends-toi un peu utile ! »